
Le Bateau Ivre
À paraître le 21 août : Cécile DELALANDRE, Œuvres poétiques
Goût de terre
(Pantoum)
Goût de terre dans ma gorge En vomirai-je le fiel Pour qu’enfin ma salorge Redevienne mon ciel ?

En vomirai-je le fiel Que ma douce langueur
Redevienne mon ciel Loin des heurts et des leurres. Que ma douce langueur Où s’ébrouent mes tourments Loin des heurts et des leurres S’évaporent les amants. Où s’ébrouent mes tourments Dont je fais mes délices S’évaporent les amants Dans des feux d’artifice. Dont je fais mes délices Sacrifice rituel Dans des feux d’artifice
Qui ne sont que cautèles. Sacrifice rituel Sur les cordes de ma voix Qui se ne sont que cautèles
Comme un verbe sans foi. Sur les cordes de ma voix Que serre ma sous-gorge Comme un verbe sans foi Goût de terre dans ma gorge.
Des printemps
Des printemps
Temps premiers
J’en ai
Si tant vécus,
Si tant aimés.
Ô mes genêts, jamais
Pas vu
Le temps passer.
Des fleurs décolletées
Sur des routes cabossées
Des feuilles abandonnées
À mes arbres aimés,
Si douces.
Même giboulées en ai laissées perler
Sur la peau de mes jours,
Et puis la grêle lécher
Sous des tonnelles ombrées.
Ai bu toutes les rosées
Vu larmoyer des pluies
Derrière des moucharabieh
Jalousies, j'en ai ri.
J'ai battu tous les blés
Me suis faite fléau
Ai moulu tant de grain
Goûté à tous les vins.
Et puis le seringat sur le bord des chemins,
Jasmin blanc sur mon cœur
Si grisée,
Tentation sur mon corps,
Passion.
À l'horizon l'eau tonne dans des coupes de cristal
J’entends ses bulles qui sonnent au beffroi
De mon cloître
Aurais-je le temps ou l'heur
D'un nouveau printemps ?
Ô mes genêts, jamais
Pas vu
Le temps passer.
(Cécile Delalandre, Chat rose dans la gorge accompagné d'un poisson dans l’œil mais sans sauce)